La diversité des semences locales, on en parle ?

“Nous ne pouvons pas échanger de semences”

J’ai ressenti une grande révolte en 2013 en entendant cette déclaration à la radio. J’étais jeune, idéaliste, pleine d’énergie et fraîchement diplômée. Cette révolte m’a poussée à créer Cycle en Terre. Je voulais mieux cerner le problème et trouver des solutions.

Aujourd’hui, j’ai un avis plus clair sur la situation. Je ne suis pas entièrement d’accord avec l’idée que la législation sur les semences est le souci principal. Selon moi, la source du (gros) problème des semences vient d’ailleurs.

En pratique, il n’est en effet pas interdit d’échanger des semences, et il n’a pas non plus été compliqué jusqu’ici pour Cycle en Terre de commercialiser des semences de variétés locales / anciennes / non hybrides. Le manque de semences sur le marché est selon moi en grande partie dû à la manière dont notre alimentation est produite !

Les raisons

Si n’y a plus de graines locales et que la diversité en variétés a fortement diminué, c’est parce ces semences ne sont plus achetées. Beaucoup de semenciers produisaient encore en Belgique avant la seconde guerre mondiale. Ensuite il y a eu de tels changements que ces acteurs ont disparus. Je pense qu’il y a principalement 3 raisons qui expliquent cela :

  • Parce que c’est cher de produire des semences en Belgique. C’est plus facile ailleurs, où le coût de la main d’œuvre est bas. C’est également plus simple dans des climats secs, où l’on irrigue en fonction des besoins. Il y a moins de risques de pertes des récoltes car les porte-graines sont plus sains (l’humidité favorise l’apparition de maladies) et les semences ont bien le temps de maturer (la saison de culture est plus longue).
  • Parce que les variétés proposées sur le marché ont changé : elles ont énormément évolué avec la venue des hybrides F1 et il n’y a plus eu d’intérêt de la part des puissants semenciers producteurs d’hybrides F1 de faire évoluer des variétés reproductibles (paysannes, non hybrides F1). Les hybrides sont plus rapides à sélectionner et le client doit en racheter tous les ans… C’est bien plus rentable. La sélection a été orientée vers des rendements très élevés et les critères de succès des variétés ont changé. Une variété « ancienne » ne correspond donc plus du tout à ce que cherchent la plupart des maraîchers et consommateurs.
  • Parce que les jardiniers ont quitté leurs jardins. La diversité vient des jardiniers qui en sont les garants ! Les variétés proposées par les semenciers industriels sont standardisées pour le commerce. La diversité n’est pas un intérêt majeur pour eux. Il vaut mieux de l’efficacité, du rendement, des bonnes qualités de conservation pour l’industrie.

Le résultat, c’est qu’aujourd’hui nous avons encore des centaines de variétés sur le marché, mais ces dernières ne sont plus en liens avec les critères que l’on peut attendre en tant que consommateur : goût et qualité nutritive ainsi qu’autonomie alimentaire, car nous devons pouvoir nous nourrir même en cas de crise (c’est une question de survie), et bien que nous n’en soyons pas toujours conscients, ces variétés industrielles nous rendent totalement dépendants d’acteurs cupides et peu intéressés par notre santé. Savez-vous que si on sélectionne pour le rendement, on sélectionne généralement au détriment la qualité nutritive ?

Un système agricole local sans semences me semble absolument triste et absurde. Comment pouvons-nous régir ?

Des actions

Voici au moins 3 actions que vous pouvez faire, qui que vous soyez !

Vous pouvez en tous cas :

  • Acheter vos légumes ainsi que vos autres aliments à des producteurs locaux.
  • Être tolérant envers votre producteur. Si les choux sont un peu difformes, un peu trop gros, ou s’il vous propose un légume inhabituel, c’est peut-être bien ainsi. Il a travaillé pour vous proposer cela, et parfois ces légumes-là sont plus riches nutritivement car ils proviennent de variétés moins sélectionnées (si votre maraîcher est super aventureux, convaincu et courageux, il se peut qu’il vous propose des légumes issus de variétés non hybrides !). Que cela ne vous empêche pas d’être exigeant sur la fraîcheur, ce sont deux éléments très différents !
  • Profiter de la vie, car c’est en se sentant bien qu’on diffuse de bonnes ondes et qu’on réduit sa consommation de choses superflues.
  • Partager ce texte. Il est trop souvent dit à tort que la législation est la source des problèmes. Pour moi elle n’est que le résultat de notre comportement, dont profite une poignée de sociétés uniquement intéressées par le profit.
  • Regarder les jardiniers, les maraîchers et les agriculteurs en général avec le même regard que quand vous regardez une médecin, un notaire ou une docteure en physique quantique !

Et en plus, si vous faites un potager, vous pouvez :

  • Bien sûr, acheter vos semences chez Cycle en Terre
  • Pour les aventureux, vous pouvez vous amuser en sélectionnant de nouvelles variétés de légumes. Vous avez tout en main pour le faire (plein de livres sur les semences, votre intuition incroyable, et m’appeler si vous avez encore des questions !). C’est ainsi qu’une grande diversité de plantes alimentaires a été proposée dans les catalogues en 1900. Et les sélectionneurs – jardiniers avaient moins accès aux livres et aux écoles qu’aujourd’hui. Vous pouvez devenir de grands créateur.trice.s et laisser des variétés à votre nom pour l’éternité !

Enfin, si vous ne faites pas de potager, vous pouvez toujours :

  • Penser à en cultiver un  C’est la première fois de l’histoire que l’être humain ne se nourrit plus lui-même, et il est possible que la situation ne soit pas durable. Réapprendre à cultiver est donc intéressant. En plus, ça maintient en forme, on profite du bon air et du soleil (s’il y en a…), et ça vide l’esprit !
  • Ne pas vous tracasser si vous n’aimez pas ça, car il y a plein d’autres choses à faire !!!

J’espère que ces quelques conseils vous seront utiles. N’hésitez pas à réagir ou à poser des questions, vos retours m’intéressent beaucoup.

Fanny Lebrun

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