Une petite histoire de brocoli et …

Une petite histoire de brocoli et la grande histoire de nos semences.

Si on vous disait qu’il n’y a plus de légumes vraiment locaux, le croiriez-vous ? Savez-vous ce qu’est un hybride F1, et pourquoi y-en-a-t-il tant dans nos cultures ? En commençant par une simple petite histoire de brocoli, voici les réponses à ces questions.

Voici une histoire en 4 chapitres !

Chapitre 1

Mes légumes locaux sont-ils produits avec des semences paysannes ?

Aussi surprenant que cela puisse paraître, les légumes que l’on trouve dans les échoppes, même locales, sont principalement produits avec des semences hybrides F1.

Mais pourquoi donc ?

Il était une fois… un brocoli et un semencier ! Le brocoli ressemblait à un petit arbre avec des inflorescences vertes s’épanouissant de manière progressive tout du long de la saison. Il était délicieux, les jardiniers en raffolaient et s’en nourrissaient progressivement tout l’été.

Un jour, peu après la guerre, un semencier plein d’idées l’observa et eu envie de faire des expériences. Il avait un laboratoire tout neuf, une équipe, et rêvait de trouver des solutions pour produire plus. Les gens avaient eu faim, nourrir la population était vraiment un sujet d’actualité.

Celui-ci réalisa quelques croisements entre variétés et réussi à créer un brocoli hybride F1 avec moins d’inflorescences, mais beaucoup plus grosses ! Motivé par son ingéniosité, il continua de plus belle et arriva à créer un magnifique brocoli avec une seule grosse pomme. L’ancienne version fut oubliée au fond des jardins. On décida même de le rebaptiser : le voici devenu « brocoli à jets ».

Le nouveau, quant à lui, est devenu LE « brocoli » !

En plus d’être innovante, de produire beaucoup en moins de temps et de bien se conserver, cette variété était hybride F1 (définition et explication ci-dessous) : les jardiniers et les maraîchers devaient racheter leurs semences chaque saison pour en cultiver. Le semencier devenait de plus en plus important, cela lui convenait très bien !

Il réalisa malheureusement que sa précieuse découverte était chère à produire. Il redoubla d’ingéniosité afin de diminuer les coûts de production, agrandit son laboratoire et créa les variétés CMS (explication ci-dessous). Grâce à cette invention, il réussit à diminuer drastiquement le coût de ses semences. Cette technique, tellement pratique, se répandit rapidement dans le monde et par on ne sait quel moyen, fut cependant discrète : il n’est pas évident d’identifier les hybrides F1 CMS des hybrides F1 non CMS.

Le brocoli à jets disparut plus ou moins dans la nature. Jusqu’il y a peu ! Car quelques irréductibles « grands » (non pas gros !) semenciers se sont mis à sélectionner ces petits héros à jets retrouvés au fin fond d’un jardin gaulois pour les faire évoluer doucement mais naturellement vers ce que nous appelons aujourd’hui des « brocolis ». C’est notamment le cas de la variété « Calinaro » que nous proposons chez Cycle en Terre, qui a été sélectionnée par Kultursaat en Allemagne.

Maintenant que nous connaissons cette histoire, nous pouvons acheter à nos maraîchers locaux des brocolis moins gros et moins manipulés, mais plus riches en nutriments et plus cohérents car ils nous permettent d’être autonomes en semences. En effet, par nos habitudes de consommation, nous choisissons et soutenons indirectement les types de semences utilisées ainsi que les semenciers qui les ont produites.

En achetant nos semences et/ou en devenant coopérateur.trice de Cycle en Terre (www.cycle-en-terre.be), vous soutenez l’évolution vers un monde plus résilient et durable.

Nos brocolis : https://shop.cycle-en-terre.be/shop?search=brocoli (Chou Brocoli Calabrese Natalino = à jets)

Chapitre 2

Qu’est-ce qu’un hybride F1 ? Et un CMS ? Voici les explications pour que vous compreniez mieux ! 

Commençons par la base : qu’est-ce qu’une variété paysanne ?

C’est une variété qui a été obtenue par un ou plusieurs croisements entre variétés, et pour laquelle une sélection a été réalisée par l’être humain afin qu’elle ressemble à ce qu’il souhaite. Par exemple, une carotte orange et hâtive, sucrée et aromatique, qui a un feuillage costaud et qu’on peut donc arracher facilement.

Ces variétés sont stables : on peut les multiplier d’année en année au potager. Elles sont homogènes : les carottes se ressemblent, elles ont toutes la même couleur et une forme similaire. 

Qu’est-ce qu’un hybride F1 ? 

C’est une variété résultant de la première génération d’un croisement entre deux variétés très différentes (éloignées génétiquement l’une de l’autre), sélectionnées pour leurs caractères particuliers et complémentaires. 

Ces deux variétés parentales sont des lignées pures, c’est-à-dire qu’elles sont homozygotes sur certains gènes (mot barbare mais ce n’est pas grave). C’est une nécessité pour obtenir les résultats souhaités par le semencier lors de la création d’hybrides F1 mais ces lignées sont en pratique dégénérées : elles ont l’air inintéressantes quand elles sont cultivées seules, mais donnent de bons résultats lorsqu’elles sont croisées entre elles. 

Les individus hybrides F1 d’une même variété sont très proches génétiquement entre eux et ont une vigueur supérieure à celle de leurs deux parents (résistance aux maladies, productivité…), ce qui est appelé l’effet d’hétérosis.

Un hybride F1 n’est pas une variété stabilisée : si on la multiplie, la descendance ne ressemblera pas à ses parents et les individus seront très différents les uns des autres. 

Qu’elle est la différence entre un hybride et un hybride F1 ? 

Un hybride est un croisement (qui peut être tout à fait naturel) entre 2 variétés différentes. Ce croisement n’est pas nécessairement orchestré par l’être humain. 

Un hybride F1 est par contre mené par l’être humain suivant les techniques décrites ci-dessus pour obtenir les résultats souhaités par le semencier.

En quoi le processus de sélection des variétés paysannes est-il différent de celui qui aboutit à une hybride F1 ?

Pour créer une variété paysanne, on crée un hybride puis on ne reproduit ensemble que les individus qui correspondent à ce que nous désirons. Cela prend 7 ans en moyenne.

Pour créer un hybride F1, il faut passer par la création de lignées pures et complémentaires les unes aux autres, ce qui est plus complexe.

Créer une variété paysanne à partir d’un hybride F1, est possible (si cette dernière n’est pas CMS) : il faut, comme pour la création d’une variété paysanne, multiplier entre elles les plantes répondant à nos souhaits (et éliminer tous les individus qui ne nous conviennent pas).

Les variétés hybrides F1 CMS

Pour créer des hybrides F1, on croise des plantes de deux lignées différentes. Pour s’assurer que la pollinisation se fasse bien entre ces deux lignées (et non entre deux individus d’une même lignée), il y a plusieurs possibilités :

  • Hybrider manuellement les 2 lignées (c’est très technique et laborieux)
  • Pulvériser les fleurs mâles d’une lignée avec des composés chimiques pour les rendre stériles
  • Utiliser des variétés CMS (uniquement pour certaines espèces dont les choux)

Mais qu’est-ce qu’un CMS ? 

C’est une variété dont les cytoplasmes (un des organites au sein d’une cellule) ont été modifiés en laboratoire pour que les organes mâles de ces plantes soient stériles. Cela permet au semencier de produire des hybrides plus facilement en assurant une fécondation entre deux plantes de lignées différentes (et non entre deux parents d’une même lignée).

« CMS », ce sont les initiales de « Cytoplasmique Male Sterility », c’est-à-dire « stérilité mâle cytoplasmique » en français.

Pour aller plus loin sur les CMS :

https://www.infogm.org/faq-cms

https://abiodoc.docressources.fr/doc_num.php?explnum_id=1699

En achetant nos semences et/ou en devenant coopérateur.trice de Cycle en Terre (www.cycle-en-terre.be), vous soutenez l’évolution vers un monde plus résilient et durable.

Chapitre 3

Pourquoi a-t-on délaissé les variétés paysannes (non hybrides F1) ?

Chacun a des bénéfices à utiliser des variétés F1 car, avec celles-ci :

  • Les semenciers gagnent plus d’argent (le maraîcher doit racheter ses semences chaque année)
  • Les maraîchers ont de plus hauts rendements, leurs légumes sont plus résistants à quelques maladies particulières (effet d’hétérosis). Ils peuvent également davantage mécaniser leurs cultures donc diminuer leurs coûts.
  • Le consommateur a accès à des légumes moins chers, qui se conservent plus longtemps (cultures très mécanisées, transport de légumes sur de grandes distances, comme les tomates).

En soi, les hybrides F1 ont de nombreux avantages et ils sont partout : nous en avons besoin aujourd’hui car tout le système cultural est construit sur ces variétés.

Quels sont donc les désavantages des F1 ?

Pour créer et produire des hybrides F1, il faut être ultra formé, équipé, avoir accès à de grosses bases de données et à de la main d’œuvre bon marché (qu’on ne trouve pas en Belgique légalement).

Uniquement les entreprises de très grande taille peuvent s’offrir cette opportunité. Cela pose quelques soucis :

  • Ces sociétés n’ont pas les mêmes intérêts que les consommateurs, sauf concernant le prix. La qualité nutritive et le goût, c’est-à-dire l’essence-même de notre nourriture, ne sont pas des critères de sélection importants pour elles. Leurs objectifs sont plutôt le rendement, la résistance aux maladies et la possibilité de mécaniser les cultures (nettoyage facile des légumes selon leur forme, calibre homogène pour la récolte, longue conservation…). Or, notre alimentation repose essentiellement sur les plantes. Des sélections pareilles contribuent-elles réellement à notre santé ? Le goût et le plaisir de manger ne sont-ils pas fondamentaux pour notre bien-être et notre bonheur ?
  • L’ensemble de la population est dépendant (alimentairement) de multinationales. Le maraîchage local, par exemple, n’est qu’une illusion d’autonomie car il dépend à la base des semences. Souhaitons-nous remettre l’entièreté de notre alimentation actuelle et future dans les mains de ces quelques riches financiers ?
  • Ces variétés sont des technologies de pointe : elles sont hyper spécialisées sur quelques critères, au détriment d’autres caractères ou de leur diversité génétique. Dès lors, elles n’ont aucune capacité d’adaptation envers une nouvelle maladie ou un changement d’environnement. Or dans un contexte de changement climatique, ne semble-t-il pas essentiel de favoriser la souplesse d’adaptation de nos plantes cultivées à des sécheresses et à des périodes très humides (comme en 2021) ?

Quels sont les intérêts des variétés paysannes ?

Ces variétés sont simplement extraordinaires car elles n’ont pas les désavantages des hybrides F1 cités ci-dessus. Elles ont été sélectionnées par des paysans qui mangeaient leurs légumes et recherchaient du goût (souvent lié à la richesse nutritive). Nos ancêtres étaient totalement autonomes. Et surtout, ces variétés représentent un patrimoine génétique exceptionnel (et fragile) qui nous permet d’en créer des centaines d’autres, adaptées à des environnements et des besoins variables.

Chapitre 4

Les solutions

Pour nous réapproprier notre alimentation, nous avons un travail passionnant et intense à opérer. Voici quelques étapes :

  • Sélectionner les variétés paysannes pour les adapter à nos souhaits actuels (comme l’histoire du brocoli à jets). Raviver notamment la sélection au sein des jardins (amateurs ou professionnels). Nous pouvons tous créer des variétés et nous ne devrions surtout pas abandonner cela aux mains des multinationales.
  • Former nos papilles à reconnaître l’extraordinaire gamme de goûts de nos légumes. Une fois qu’on a goûté à une tomate du jardin, il est vraiment difficile de profiter pleinement d’une tomate toute dure et acide du supermarché.
  • Former nos enfants aux enjeux des semences, et acheter des légumes moins standardisés à nos maraîchers locaux (en les encourageant à cultiver un maximum de variétés paysannes).
  • Relocaliser la production de plants (et de terreau). Nous sommes actuellement dans une situation de monopoles de la part de ces producteurs, ce qui bloque la diffusion de variétés paysannes car les producteurs de plants n’en utilisent quasi pas.
  • Relocaliser la production de semences de variétés paysannes (actuellement il y a très peu de semences belges) et sauvegarder leurs richesses génétiques au sein de sociétés belges proches du consommateur.

Aujourd’hui, tout reste à faire, malgré l’impression que nous pourrions avoir d’hyper technicité et de résilience. Les étapes listées ci-dessus représentent des coûts et des investissements colossaux. Il semble difficile de changer le monde pour retrouver un mode vraiment résilient d’agriculture de subsistance.

Et pourtant, ce que nous faisons à Cycle en Terre, c’est forger une brique fondamentale qui assure une sauvegarde des connaissances et techniques ainsi que du patrimoine génétique que nous avons sous la main. En achetant nos semences et/ou en devenant coopérateur.trice de Cycle en Terre (www.cycle-en-terre.be), vous soutenez l’évolution vers un monde plus résilient et durable.

Tous les changements de ces 70 dernières années ont été très rapides, et rien ne nous garantit que nous pourrons continuer sur cette lancée. Cette brique nous semble tellement précieuse pour pourvoir redémarrer sur de nouvelles bases dans le cas où le système incroyablement technologique dans lequel nous sommes ne tiendrait plus la route, pour une raison ou pour une autre.

Cycle en Terre est en quelque sorte une toute petite graine pleine de grandes promesses.

Newsletter

Cycle en Terre et les semences vous intéressent ? Ne ratez aucune de nos publications !

Autres articles